• L’accueil en tribu de Wérap: chez Bernadette

            Bernadette et Yann après la coutume

     

              Dans ce coin un peu plus reculé de la Nouvelle-Calédonie, certains kanaks vivent en tribu et accueillent des voyageurs pour vivre une inoubliable expérience avec eux. Nous nous rendons dans la tribu de Wérap chez Bernadette. Elle et sa famille vivent au fond d’une vallée à une dizaine de kilomètre de Hienghène. Lorsque nous atteignons la tribu, Bernadette est assise devant une case, derrière elle des femmes de différentes générations sont en train de confectionner les murs d’une petite salle en tressant des feuilles de cocotier. L’ambiance est posée. Nous sortons du camion avec un manou (une étoffe, un paréo), 500 francs pacifiques (4€), 2 ignames et 2 chouchoutes, une fleur de lotus en tissu souvenir de notre périple en Asie et un crayon évoquant l’Australie pour « faire la coutume ».

     

     

     

     

     

    La coutume :  

    Ça fait un moment qu’on vous en parle, il est temps de vous expliquer de quoi il s’agit. La coutume renvoie à un ensemble de règles qui régissent la vie en société kanak. Il s’agit de règles de savoir-vivre ou de comportements à adopter dans le respect de l’autre, des ancêtres et des traditions. Elle prend tout son sens à l’occasion de fêtes, de mariages, de décès… Le rôle de chacun dans la société kanake est définit par ces règles.  

      

    La tribu : 

    Le chef est le porte-parole de la tribu et le médiateur en cas de conflits. Il jouit d’un certains respect, mais ne dispose pas de pouvoirs très étendus : la décision appartient aux anciens. On distingue le grand-chef et le petit chef.

     

    • Le grand-chef symbolise le passé, le présent, le mythe et la réalité. Il représente l’autorité morale dans tout le district.

    • Le petit-chef : il dirige le clan ou la tribu et participe aux discussions aux côtés du grand chef lors des réunions de districts. Il siège au conseil des anciens reconnus pour leur sagesse et leur expérience. Ce conseil traite toutes les questions concernant la tribu : du débroussaillement des champs, de la construction d’une nouvelle case ou de l’autorisation de bivouac sur la terre tribale.

      

    La tribu est composée de plusieurs clans, eux-mêmes issus d’un même ancêtre. Les membres d’une même tribu parlent la même langue et appartiennent au même territoire. La tribu et la famille jouent un rôle très important dans l’univers kanak, ainsi que les terres qui s’y rattachent. En être exclu est vécu comme un châtiment terrible.

     

                 La famille : elle constitue un clan à elle seule. La vie au sein de la tribu se fait en communauté : les travaux pénibles sont réalisés collectivement comme le travail de la terre et la réfection des cases (c’est le travail auquel nous avons assisté). Les récoltes, la case et les terres sont considérées comme des biens communs au clan. La notion de propriété individuelle n’existe pas. Le père n’a que le rôle du géniteur, il n’intervient pas dans l’éducation de ses enfants, ni dans leur vie quotidienne. La mère à des devoirs jusqu’au sevrage de l’enfant, ensuite se sont ses tantes et grand-mères qui prennent l’éducation de l’enfant en main. Le tonton du côté de la mère a le rôle le plus important. C’est lui qui reconnait l’enfant à la naissance, il joue un rôle important dans le rite de passage des garçons à l’âge adulte ou encore lors du mariage. Les kanaks considèrent leurs cousins comme des frères et les membres d’un même clan du même âge comme des cousins. Les ancêtres ne sont pas morts, ils sont désincarnés et continuent d’habiter les environs en influençant la vie de leur descendance par des signes surnaturels au travers de rituels ou de rêves.

      

    Enfin, le sorcier : il est censé commander et interpréter les éléments naturels ou dispenser la maladie et la mort qui était et reste un personnage redouté. Malheureusement, seules les plus grandes tribus ont un sorcier, celle de Tiendanite (où vivait Jean-Marie Tjibaou) en a un, mais nous n’aurons pas le temps de lui rendre visite.

     

    Nous oublions un des membres occasionnels de la tribu : le touriste ! Ce dernier peut faire partie de la tribu pour quelques jours à condition de « faire la coutume » auprès du chef de clan ou de la tribu dans laquelle on est invité. Finalement c’est un peu comme chez nous, quand on est invité quelque part on évite d’arriver les mains vides. Si vous respectez la coutume, vous offrirez donc un manou, quelques vivres (surtout si la tribu vit dans un endroit reculé) et un petit billet. En signe de respect et de reconnaissance, il faut alors faire un discours de présentation : qui l’on est, d’où l’on vient, ce que l’on vient faire là. Les kanaks ont une culture orale, ils sont donc très sensibles au fait que des étrangers prennent à cœur leurs rites. Si le chef pose sa main sur votre présent alors cela signifie son accord à fouler les terres de la tribu, il vous accorde ainsi son hospitalité et sa protection. A son tour, il vous fera un discours de bienvenue et parfois même il vous rendra la coutume en vous faisant à son tour un petit présent. Bernadette n’a pas été très bavarde, mais elle semblait apprécier le geste. A la suite d’un petit discours court, mais bienveillant, elle nous présenta les lieux et le petit faré où nous passerons la nuit.

    Faré

     

    Nous passons l’après-midi à explorer les terres de la tribu et à rencontrer d’autres habitants. Au milieu du village, il y a un cerf domestiqué. Il est arrivé là tout petit fuyant des chiens qui le poursuivaient. Il avait alors trouvé refuge dans la case d’un des villageois et a été « adopté » par sa fille comme mascotte du village. Depuis, il vécut heureux dans la tribu de Wérap, mais n’eut pas d’enfant… (C’est un mâle).

     

    Le soir, Vincent, le frère de Bernadette vient nous voir et nous propose d’aller pêcher au filet avec lui le lendemain matin : requête acceptée !

    Le cerf adopté par la tribu

     

    La nuit nous rentrons dans le faré, 2 matelas ainsi que 2 couvertures sont installés par terre. L’espace est plutôt mignonet, sauf que ça pu la pisse de chat. Bon ben il va falloir faire avec…

     Au lever du jour nous sortons du faré et allons déjeuner. Vers 8h30 Vincent équipé d’une machette et d’un filet nous rejoint. Il revient de sa première pêche du matin dans la rivière d’à côté et nous dit que pour cette fois-ci il préférerait aller sur un autre site un peu plus loin pour que l’on puisse attraper des poissons plus gros. Il n’a pas de véhicule, nous partons donc tous ensemble dans le camping-car sur des chemins de terre pour rejoindre le lieu de pèche. Après 20 minutes de route il nous indique un petit sentier étroit qui descend fort. Nous lui disons que ce n’est peut-être pas très approprié avec le camping-car et que le retour risque d’être difficile.  " casse pas la tête " , nous répond-il, " y’ a la place pour tourner en bas ", et il sort couper à la machette les branchages qui gênent en nous faisant signe d’avancer. Nous le suivons donc prudemment, en bas il y a effectivement un peu plus de place. Nous sortons le filet du camion et nous approchons du bord de la rivière. Il nous explique que l’un de nous doit traverser la rivière à la nage pour accrocher le filet de l’autre côté. Je m’élance donc pendant que Perrine et Vincent déroulent le filet de l’autre côté. Ouch, j’espérais que l’eau soit plus chaude…

    Vincent

               Une fois le filet accroché je fais demi-tour et les rejoints sur la rive. Maintenant tout le monde va devoir se mouiller un peu : nous devons remonter en amont de la rivière puis revenir vers le filet en faisant des remous censés effrayer les poissons pour qu’ils aillent se coincer dans le filet. Vincent jette également des cailloux. Nous voilà donc dans l’eau toujours trop fraiche à mon goût à marcher et nager dans la rivière en s’agitant. Lorsque nous atteignons le filet, nous ressortons de l’eau nous réchauffer un peu. Les poissons n’ont cas faire le travail tout seuls : il faut bien que chacun y mette un peu du sien ! Nous profitons du fait d’avoir le camping-car pour nous faire un thé bien chaud en attendant. Perrine s’équipe de son masque de plongée et repart à l’eau voir si les poissons ont bien remplie leur rôle. C’est alors qu’elle tombe sur une grosse anguille. Vincent lui tend la machette et lui dit de l’empaler. Malheureusement l’anguille réussie à chaque fois à se faufiler, elle ne sera pas au menu de ce soir. En nageant Perrine découvre un vieux filet coincé dans des branchages. Il semble qu’il contienne un poisson vivant. Elle ramène le vieux filet avec le poisson. Il n’est pas bien gros, mais c’est mieux que rien, d’autant plus que l’autre filet ne nous ramènera absolument rien … Au final nous aurons pêché un poisson et deux nouveaux filets, l’honneur est sauf, nous pouvons rentrer dans la tribu !

    Perrine parée pour la chasse sous-marine

     

    C’est là que les complications commencent. Le camion patine et remonter de ce trou s’avère plus compliqué que prévu. Perrine est au volant pendant que nous débroussaillons d’avantage le chemin. Il nous aura fallu pas loin d’une vingtaine de tentatives avant de trouver la voie de passage qui nous a permis de nous extirper de là. Vincent semble étonné des capacités de Perrine : elle va à la pêche, plonge en apnée, chasse à la machette, et conduit un camion… « C’est une championne ta femme ! ».

     

    Le butin du jour !

     

    Sur le retour, il est presque 14h et Vincent nous propose de manger quelques huitres. Il connait un endroit en chemin où il y a beaucoup de petits mollusques, et décide de partager son secret avec nous. La marée est basse, et les cailloux présents sur la rive sont recouverts de ces petits mollusques. Nous nous lançons donc dans une cueillette un peu particulière : nous ramassons des cailloux. Pendant ce temps-là Vincent est parti couper des feuilles de cocotier. Il les dépose sur les huitres que nous avons ramassé puis allume un feu en commençant par le côté opposé du vent. Il nous explique que de cette façon le feu se propagera plus lentement, juste ce qu’il faut pour laisser les huitres cuire et s’ouvrir. Un vrai délice que nous partageons avec des pécheurs de la tribu voisine.

    Cueillette des huitres

     

    L’idée de redormir dans une pièce qui sent le pipi de chat nous horripile, nous décidons de lever le camp. Après avoir salué nos hôtes en pleine partie de bingo, nous reprenons la route.

     

    En bord de route, nous apercevons ces petits stands où les locaux vendent fruits et légumes de leur jardin. Il n’y a jamais personne derrière. Le prix est indiqué sur un petit bout de papier, et il y a une petite boite pour laisser les sous. Il semblerait qu’en réalité quelqu’un à toujours l’œil sur les marchandises, caché dans une case ou dans un fourré. Si nous ne les voyons pas, eux, ils nous voient et surveillent l’honêteté des voyageurs. Nous nous arrêtons pour gouter une pomme canelle… Un vrai délice ! 

    Stand de fruits et légumes sur le bord de route

     

    Sur cette note acidulée, nous remontons dans le camion et longeons la côte ouest jusqu’à Poindimié. Après avoir fortuitement découvert un atelier de sculpture sur les bords de plage, nous retournons sur Nouméa.

     Plages de Pondimié et ses scuptures sur bois   Plages de Pondimié et ses scuptures sur bois  

     

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