• L’île mystérieuse : Rapa Nui

     

    Rapa Nui? c'est où?

     

                  Rapa Nui, c’est le nom officiel de l’île de pâques selon la langue des premiers hommes qui habitaient l’île : des polynésiens. Ce matin, nous nous sommes levés de bonne heure pour prendre l’avion qui nous conduira à 3760 km à l’ouest des côtes de Chili, en plein milieu de l’océan Pacifique. Changement complet de climat, et changement complet de culture bien qu’officiellement, l’île de pâques soit Chilienne. C’est l’île la plus reculée au monde : la première terre à sa proximité se trouve à 2000km de ses côtes, il s’agit de Pitcairn, une petite île n’abritant pas plus de 50 personnes (Tahiti se trouve à 4100km). Les ravitaillements sur l’île se font par bateau, 4 fois par an uniquement, autant vous dire qu’on a fait le stock de gâteau avant de partir !

     

                 L’île n’est pas très grande, avec ses 23 km de long et ses 12km de large, elle est sortie directement des profondeurs de l’océan. C’est une île volcanique triangulaire, issue de l’activité de 3 volcans désormais éteints : le Poike, le Rano Kau et le Terevaka.

     

    L’île de Pâques est de loin l’une des terres les plus mystiques de notre planète, et sa renommée dépasse de loin tout ce que l’on sait de ce caillou de lave entouré d’eau. Un pan entier de la culture pascuane et du passé de l’île a été perdu avec sa colonisation, lorsque des marchands d’esclaves péruviens ont débarqués sur les côtes pascuanes en 1863 et déportés ses habitants vers le continent, emportant à jamais les derniers détenteurs du savoir et de la tradition Maori rongo rongo. L’île de paques est pourtant la seule terre d’Océanie ayant développé un système d’écriture : le rongo rongo, à base de 120 symboles gravés sur des tablettes de bois. Malgré la découverte de plusieurs planches, personne n’a encore réussi à déchiffrer ces textes, dont seuls les Maori rongo rongo connaissaient la signification. L’île est donc toujours en attente de la venue d’un nouveau Champollion, lui permettant de rouvrir les portes scellées de cette époque passée, afin de retrouver ses racines et tout un temps de sa culture passée.

                     C’est à ce moment-là que nous entrons en scène ! Ah, ah, je rigole, je ne pense pas que notre passage sur l’île change grand chose ! Le pilote de l’avion annonce l’atterrissage, nos tablettes sont relevées, nos ceintures bouclées, nous regardons tranquillement par notre hublot pour se préparer à encaisser l’impact au sol. Alors que nous ne voyons toujours pas la piste d’atterrissage, et que nous perdons de l’altitude, l’aile de notre appareil se rapproche dangereusement de la colline située sur notre droite. Heu, c’est normal !?! Puis soudain, badaboum, nous touchons le sol. En fait, on s’est inquiété pour rien, nous n’avons pas atterris en plein champ comme on l’imaginait mais bien sur une piste goudronnée plutôt courte. Tout le monde applaudit le pilote comme pour le remercier, décidemment je ne m’y ferai jamais !

    arrivée à l'aéroport

     

    Nous voilà arrivés à Hanga Roa : la capitale et unique ville de l’île de Pâques. Nous récupérons nos sacs et commençons notre marche vers le gite que nous avons réservé. Ici, il fait beau, il fait chaud, la route passe entre des cabanes de bois plutôt colorées au milieu de palmiers et bougainvilliers. Le contraste avec la capitale du Chili va de soi, on se dit déjà qu’on aurait dû prendre plus que 6 jours. Pendant notre trajet, des locaux plutôt surpris de nous voir avancer avec notre paquetage sur le dos, s’arrêtent pour nous demander où l’on va. A chaque fois, ils nous confirment que nous sommes bien dans la bonne direction, et passent leur chemin. Il n’y a aucun panneau sur l’île, si on a un peu de chance de temps en temps le nom de la rue est peint en jaune sur le trottoir, mais là encore il faut ouvrir l’œil. A priori on est sur la bonne route, mais on ne trouve pas notre gîte… là encore pas de panneau. Après avoir demandé notre route 2 à 3 fois, entendu le fameux sésame « da una vuelta » = faites demi-tour, reçu une indication du genre « c’est au milieu des palmiers vous ne pouvez pas la rater », nous arrivons enfin à destination. Là-bas, on apprend qu’un bonhomme nous attendait à l’aéroport avec une pancarte à nos noms et des colliers de fleurs… bon ben c’est raté, on est arrivés tous seuls, et même avant notre navette ! Finalement on aura quand même nos colliers … bienvenus sur Rapa Nui !

    décoration des arrivants avec des colliers de fleurs

     

    Histoire de Rapa Nui :

    Mais d’où venaient les premiers habitants de l’île ? A cette question simple, plusieurs réponses, mais aucune certitude à l’heure actuelle. Pour ceux qui auraient la flemme de lire la suite, vous pouvez regarder ce film : Rapa Nui (cliquez sur le lien puis actualisez la vidéo avant de la lire). En voici la version officielle ou historique, qui semblerait presque sortie d’un livre de conte pour enfant.

     

    L’arrivée des premiers hommes :

                  Il était une fois, des polynésiens venus des iles marquises arrivés entre l’an 300 et 800, à bord de leurs canoës… (une histoire qui nous rappelle un peu l’arrivée pittoresque des premiers Maoris en Nouvelle-Zélande). La tradition orale pascuane évoque un roi polynésien vaincu : Hotu Matu’a parti à la recherche d’une terre d’accueil, comme c’était alors la tradition. Le roi aurait envoyé avant son départ sept fils de chefs en éclaireurs (ultérieurement divinisés sous la forme de sept moai de l’ahu akivi, les seules statues des ancêtres de l’île tournées vers la mer… et vers les îles marquises), pas fou le type ! Bref on ne sait pas comment il a été au courant, le talkie-walkie n’avait pas encore été inventé, mais il est monté à bord de son grand canoë, il aurait lui aussi parcouru à la force des bras 3200 km avant de rencontrer sa terre promise. Il débarque alors sur Rapa Nui avec son épouse et sa suite, et fonda la première dynastie de l’île. Sa descendance serait à l’origine des principales tribus de l’île. Les pascuans évoluèrent ainsi à l’écart de toute trace de vie sur ce caillou pendant plus de 1000 ans, si bien qu’ils se croyaient être les derniers humains de la planète. Ils nommèrent leur île Rapa Nui : le nombril du monde.

    les 7 moais de l'ahu akivi tournés vers la mer

     

    Jusqu’en 1680, la société pascuane est marquée par l’ahu moai : une époque où les différentes tribus de l’île se partagent les terres et la mer et érigent des statues de pierres gigantesques représentant leurs ancêtres selon des rites précis afin d’attirer la sympathie et la protection des dieux. On dit qu’il y aurait eu deux vagues successives d’immigration sur l’île. En premier : c’est l’arrivée des courtes oreilles, une civilisation ancienne d’origine polynésienne, au nez effilé et au morphotype longiligne. Viendrait ensuite les longues oreilles : des Hommes costauds, trapus, au nez empâté et aux grandes oreilles à cause des boucles imposantes qui les déformaient (finalement un peu comme les moai de pierre). Mais parmi toutes ces tribus, celle des Miru (longues oreilles) dominait et régissait la vie sur l’île répartissant les vivres, et définissant les tabous (interdictions influencées par les croyances religieuses). On imagine qu’une compétition animait les différentes tribus pour la fabrication et l’installation des statues incarnant les ancêtres protecteurs. Cette course acharnée à la création de ces œuvres gigantesque aurait créé une déforestation quasi complète de l’île et entrainé une crise environnementale. 

     

    A partir de 1680, s’enchainent en conséquence plusieurs périodes de sécheresse associées à une mer agitée empêchant la pêche. Du manque de ressources sur une si petite île surpeuplée surgit un climat d’animosité entre les différentes tribus de l’île, la fin du culte des moai et leur renversement. La  légende urbaine veut qu’après des années de conflits, surgisse une grande révolte contre la tribu dominante. Les courtes oreilles massacrèrent leurs ennemis et renversèrent les moai de leurs adversaires. Un semblant d’entente sera alors retrouvé avec l’émergence d’un nouveau culte : celui de l’homme oiseau Tangata manu  (on y reviendra plus tard). 

     

    Quand l’Europe s’en mêle :

               En 1722, l’île est découverte par un explorateur hollandais, le jour de pâques… il s’est ainsi creusé la cervelle pour donner un nom à ce triangle de terre dans le pacifique… je vous laisse deviner. Première rencontre européens et Maoris rongo rongo, et premières hostilités. La colonisation suit décidément le même schéma où que l’on se trouve sur le globe. Dès 1770, le vice-roi du Pérou prend possession de l’île au nom du roi d’Espagne. Quatre ans plus tard c’est au tour des anglais de débarquer : James Cook visite l’île à son tour et laisse derrière lui un récit riche d’information sur la société de l’époque. Enfin, en 1786 c’est au tour des français sous la direction du non moins célèbre La Pérouse à bord de son bateau La boussole, il offrit des graines et volailles aux pascuans.

    la baie de La Pérouse

     

    Une société réduite en esclavage : 

     

    La première moitié du 19ème siècle sera marqué par les expéditions de missionnaires venu prêcher la parole divine et le passage de nombreux aventuriers venus piller l’île ou capturer des esclaves pour le travail en Amérique du Sud. En 1863, les péruviens débarquent sur l’île avec la ferme conviction de réduire en esclavage la plus grande partie de la population pour le travail dans les mines de guano au Pérou. Ceux qui résistèrent furent tués, et rares furent ceux qui y échappèrent en se cachant dans des tunnels de laves formés lors des éruptions volcaniques. Il y en a beaucoup sur l’île, du simple boyau à la grotte habitable, on a visité quelques-unes de ces cavités. C’est plutôt lugubre comme endroit, merci nos torches ! Heureusement de temps en temps, les tunnels débouchent sur la mer ou sur une autre entrée laissant entrer quelques rayons de soleil. C’est plus inquiétant quand c’est l’effondrement du plafond qui permet d’y voir un peu.

    les grottes et tunnels de lave sur l'île de pâques

     

    Un millier de personnes furent exilés par la force, et parmi eux  le roi, sa famille et l’élite de l’île (aristocratie, prêtres…). Quand la nouvelle de cette razzia se répandit, l’évêque de Tahiti poussa le gouvernement français à protester pour réclamer la libération des Pascuans. Le Chili fit également pression sous le nom d’un autre évêque Eugène Eyraud. Quand le Pérou se décida à libérer ses otages, il était malheureusement trop tard : 80% d’entre eux furent morts d’épuisement ou de maladies dans les mines. La centaine de survivants restant ne furent pas épargnés, alors qu’ils embarquèrent dans un navire retournant à Rapa Nui, une épidémie de variole décima les passagers et les 15 derniers rescapés la transmirent alors à leur tour aux derniers habitants de l’île. 

     

    L’évangélisation de l’île :

     

    Suite à ces évènements, en 1864, il ne reste plus qu’une centaine d’autochtones détenteurs des savoirs de leur peuple. La mémoire de l’île s’envole avec la disparition de ces générations et la tradition orale s’essouffle. Eugène Eyraud, l’évèque chilien vient alors évangéliser la poignée de Pascuans restant, anéantissant à jamais les derniers rites ancestraux comme celui de l’homme oiseau. 

     

    1870 année noire pour les pascuans : manipulée par des aventuriers, la population de l’île se divise et beaucoup quittent l’île. Un aventurier français Dutrou-Bornier, fraichement débarqué se proclame roi et exploite les pascuans avant de se faire assassiner. Bientôt il ne reste plus qu’une centaine d’habitants sur l’île. Profitant de cet état de faiblesse, le Chili prend définitivement possession de l’île en 1888. Pâques est négligée par les chiliens, et tombe en décadence. Les anglais en profitent et louent des terres pour faire paitre leurs troupeaux. les Pascuans sont confinés au sud de l’île à Hanga Roa.

     

    L’île de Pâques contemporaine :

     

    Il faudra attendre 1966 pour que la situation s’améliore : les pascuans acquièrent l’identité chilienne et le droit de vote, ont accès à l’éducation, l’eau courante et l’électricité. Aujourd’hui, le tourisme représente la première source de revenus de l’île et assure aux pascuans un niveau de vie supérieur à celui de la mère patrie. Les Pascuans humiliés, colonisés, décimés, ont retrouvé la fierté de leur culture unique et si fascinante, si seulement on en savait plus… Aujourd’hui leur est offert un nouveau défi : ils doivent tenter de préserver leur identité culturelle alors que 50% de la population de l’île est d’origine chilienne, et protéger leur île du tourisme.

                 un moai transformé en pancarte  cherchez le vrai du faux... 


    Une île qui garde bien ses secrets :

              Voilà, maintenant vous en savez presque autant que nous sur les origines de l’île de paques, mais quelques théories plutôt loufoques sont peut-être déjà arrivées jusqu’à vous pour expliquer le peuplement de l’île et le mystère de ces gigantesques statues :

    •  Parmi les suppositions les plus plausibles, on raconte que les premiers hommes seraient arrivés sur l’île de pâques à pied. Le continent se serait ensuite retrouvé englouti par les eaux et seul un lambeau de terre Rapa Nui serait resté en surface. Une hypothèse qui n’est pas sans rappeler le mythe de l’Atlantide…
    •  D’autres doutèrent des capacités de navigation des Pascuans et donc de leur origine polynésienne. Selon eux, ils utilisèrent les vents favorables d’est en ouest pour atteindre l’île, et provenait donc du continent américain.

                 Enfin une autre théorie attribue au peuple longues-oreilles des origines péruviennes. On retrouve un ahu (autel sacré) de pierres ajustées de la même manière qu’avaient pu le faire les incas, des plantes endémiques de ce même pays (une sorte de patate douce et un jonc typique du Pérou dans un des cratères volcanique de l’île), et des sculptures ressemblant à celles de la culture Tihuanaco (Bolivie). Les détenteurs de cette hypothèse tentèrent alors l’expérience d’un voyage entre le Pérou et les îles marquises à bord d’un radeau… ce fut un échec, cependant cette dernière hypothèse semble être l’une des plus réaliste…

              les pierres d'un ahu, version inca   ahu version inca


    • à moins que les extraterrestres y soient pour quelque chose ! En deux trois coups de navette spatiale ils auraient levé les guerriers moai à l’île de pâques, empilé des tonnes de pierres au Pérou pour construire le Machu Picchu, puis bâtis les pyramides d’Egypte et enfin les temples d’Angkor au Cambodge…


    On vit vraiment sur une planète pleine de mystère ! 

     

    Ils se sont dit oui sur Rapa Nui :

                  Alors que nous nous baladons le long des côtes d’Hanga Roa à la découverte des premiers moai, nous tombons sur un couple est en pleine cérémonie de mariage traditionnel polynésien.

    expo de sculptures sur les côtes d'Hanga roa

              Nous observons alors du coin de l’œil cette cérémonie qui sort complètement de l’ordinaire. Une pirogue et une rame, en symbole de l’arrivée des premiers polynésiens sur l’île sont présentes. C’est normalement le moyen de transport qu’utilisaient les polynésiens pour se rendre sur les lieux de la cérémonie. L’époux porte un costume traditionnel : un pagne (oups, il y a du vent), un collier de coquillages et des plumes dans les cheveux. La mariée et les autres invités sont vêtus de tenues légères blanches et portent des fleurs dans les cheveux. Des musiciens jouant de l’ukulélé et des vahinés accompagnent la scène.  

    Le premier rituel consiste à réaliser des tatouages polynésiens sur le visage des invités (pour de faux bien sûr !). Dans la culture polynésienne, ces dessins gravés dans la peau marquaient le rite de passage à l’âge adulte et étaient la reconnaissance de l’appartenance à une communauté, un clan. Réservés aux classes élevées, le tatouage était un art hérité des ancêtres et était donc considéré tapu: chacun devait se montrer digne de le recevoir. Aujourd’hui, c’est donc un grand honneur pour les invités de se faire peinturlurer le visage par le marié. Sans sourciller, hommes et femmes attendent sagement leur tour. Rien que pour ça, ça vaut le coup de se marier : dessiner une moustache à belle-maman ou des faux cils à joli-papa… trop drôle !

              La suite de la cérémonie religieuse consiste à demander la bénédiction des dieux et des ancêtres. Le cortège se déplace ainsi devant deux des ahus de l’île : des autels cérémoniels sacrés accueillant les  fameuses statues de pierre représentant leurs aïeuls. La suite semble d’avantage influencée par la religion chrétienne : les époux prononcent leurs vœux à tour de rôle, puis la fête commence : danses, chants, et bien sûr un banquet !

    mariage traditionnel polynésien

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