Nous avons réservé notre soirée à un art typiquement khmer : un spectacle d’Apsara. On entend déjà les anciens se demander : « l’apsara kézako ? ». Pour vous expliquer tout ça, voilà une petite histoire :

               Au début des temps, les deva (les dieux) et les asura (les démons) étaient tous mortels, et se disputaient la maîtrise du monde. Les deva, affaiblis et vaincus, demandèrent l'assistance du dieu Hindou Vishnou. Ce dernier leur proposa d'unir leurs forces à celles des asura dans le but d'extraire le nectar d'immortalité de la mer de lait. Pour ce faire, ils devaient jeter des herbes magiques dans la mer, renverser le mont Mandara de façon à poser son sommet sur la carapace de la tortue Akûpâra (un avatar de Vishnou), et utiliser le roi des Nâgas (un serpent à plusieurs têtes), pour mettre la montagne en rotation. Après mille ans d'effort, le barattage de la mer de lait produisit alors un certain nombre d'objets extraordinaires et d'êtres merveilleux comme les apsaras, des nymphes associées à la mer et aux rivières.

                 La lutte entre dieux et démons ne s’arrêta pas là : les asura se précipitèrent pour s'emparer de la coupe contenant le nectar d’immortalité avant que les deva ne puissent intervenir. Vishnou prit alors la forme de Mohini, la femme la plus belle au monde, et tandis que les asura étaient subjugués, il s'empara de la coupe et la remit aux dieux. Rendus maintenant immortels, les deva ne pouvaient plus être vaincus et ils précipitèrent les asura aux enfers. Cependant, au cours de cette dernière lutte, quelques gouttes de nectar tombèrent en quatre endroits de l'Inde devenus dès lors des lieux de pèlerinage pour les hindous.

                Mais revenons sur les apsaras : ces nymphes selon la légende ont émergé des eaux pour séduire les hommes. Ceux qui les repoussent deviennent fous, tandis que ceux qui les acceptent comme maîtresse ou comme épouse gagnent l’immortalité. Elles symbolisent dans tous les cas l’excès et sont représentées comme des tentatrices, des séductrices quel que soit l’objet de leurs interventions. Sur les temples d’Angkor elles sont souvent représentées dansantes et les seins nus (il parait que toucher la poitrine de ces sculptures porterait bonheur… si Yann avait su ça avant !).

                De nos jours l’Apsara est une discipline de danse classique traditionnelle khmère à l’image de ces nymphes. Ces danseuses gracieuses, coiffées d’une couronne en forme de stupa et vêtues d’un costume aussi coloré que couvert de bijoux, centralisent leurs chorégraphies sur les mouvements des mains et des pieds tout en ayant le dos cambré. A chaque danse une histoire à raconter, un message à faire passer s’inspirant du Reamker (la version cambodgienne du Ramayana) dont les illustrations recouvrent les murs des temples d’Angkor. Autrefois cette danse était réservée aux femmes à l’exception du rôle du singe. Aujourd’hui, les hommes apparaissent de plus en plus dans ce type de de spectacle avec notamment l’ajout de danse populaire inspirée du folklore et des scènes de vie quotidienne. Un spectacle d’une heure mêlant danse envoutante des apsara et représentation des scènes de la vie quotidienne (jeu de séduction entre un pêcheur et une villageoise, ramassage des noix de coco, combat entre cheval et naga…). Yann n’est pas vraiment tombé sous le charme de l’Apsara : deviendra-t-il fou telle que le raconte la légende ?