Du 16 au 18 décembre :

                Nous sommes accueillis par Grace, sa mère  et sa grand-mère. Grace parle très bien anglais (elle enseigne dans un lycée), mais sa mère et sa grand-mère ne parle que chinois. Le premier jour, nous la rencontrons entre midi et deux pendant sa pause déjeuné. Elle nous emmène dans un petit restaurant en bord de route pour un repas typique du Sichuan. Nous laissons après le repas nos sacs chez un de ses collègues qui habite non loin de là. Elle repart au travail pendant que nous allons escalader le grand bouddhas. Nous la retrouverons le soir à la sortie de son travail. 

              Nous prenons alors un bus pour nous diriger vers le géant de pierre. Nous serons applaudis par une bonne partie des passagers pour avoir cédé nos places à deux personnes âgées qui rentraient dans le bus. Apparemment ils n’ont pas l’habitude de voir ça…

Nous voilà donc arrivé à la porte du parc du géant. C’est en fait une immense colline qui regorge de trésors cachés. En arpentant les sentiers au milieu d’une végétation luxuriante nous découvrons plusieurs petites grottes. Ce sont en fait de petits temples qui contiennent des scènes de l’histoire et de la mythologie chinoise sculptées à même la roche.

           Un peu plus loin, des gravures témoignent des connaissances avant-gardistes des chinois sur l’astronomie et l’astrologie. L’astrologie chinoise est fondée sur les notions astronomiques et calendaires traditionnelles, dont le cycle de douze ans représentés par douze animaux du zodiaque qui sont souvent associés avec les douze rameaux terrestres (ancien système chinois de mesure du temps). Des légendes attestent de la manière dont ces animaux ont été choisis et de leur ordre. La sélection se serait faite par le biais d’une course sous l’égide de l'Empereur de jade, chef des dieux, ou du Bouddha. Parfois c’est le porc qui arbitre, et les incidents se multiplient du fait de son incompétence.

• La course s’achevant par la traversée d’une rivière, le bœuf, bon prince, aurait accepté de transporter le rat entre ses cornes. Mais au moment de toucher la rive, celui-ci sauta à terre, devançant le bœuf ; c’est ainsi qu’il devint le premier signe.

• L'absence du chat serait due à la malice de son ami le rat, que l’Empereur de Jade avait chargé de convoquer les animaux pour la sélection des signes du zodiaque. Trompé par le rat, le chat se fâcha, et c'est depuis qu'ils sont ennemis naturels. Il a néanmoins été retenu dans la version vietnamienne où il remplace le lapin.

• Arbitrage du porc: le porc avait réussi à persuader l’Empereur de Jade de le choisir comme juge de la valeur relative des différents animaux. Il commença par faire enrager le tigre et le dragon en les plaçant derrière le rat et le bœuf. Ils firent un tel scandale qu’il fallut les apaiser. Le singe dessina sur le front du tigre le caractère roi 王qu’il porte toujours, pour lui confirmer son titre de souverain des animaux terrestres. Quant au dragon, le coq, qui à l’époque portait des cornes, les lui offrit en guise de couronne et il fut consacré roi des animaux aquatiques. C’était sans compter sur le culot imbattable du lièvre. Il sortit des rangs pour défier le dragon à la course. Celui-ci accepta ; les deux adversaires allaient de front quand le lièvre se dirigea vers un bois. Les nouvelles cornes du dragon se prirent dans les branchages et il perdit. Il en blâma le coq qui, vexé, exigea la restitution de son cadeau. Le dragon lui répondit qu’il lui rendrait les cornes quand le soleil se lèverait à l’ouest, et c’est depuis ce jour que le coq supplie tous les matins le soleil de se lever de ce côté. Le lièvre devait sa rapidité en partie au chien qui lui avait conseillé de couper sa queue autrefois longue. Après sa victoire sur le dragon, le chien vient le féliciter, espérant des remerciements. Mais le lièvre lui dénia tout crédit dans sa victoire. Furieux, le chien le mordit et fut placé en queue de la série en punition. Quant au porc, ayant achevé le classement des animaux, il s’inscrivit lui-même en tête et alla porter la liste à l’Empereur de Jade pour approbation. Le dieu ayant eu vent des incidents le dégrada à la dernière place.

           Sans que nous nous y attendions, nous tombons tout d’un coup nez à nez avec la tête de 14m de haut du grand bouddha… Nous descendons ensuite un escalier creusé à flanc de roche pour rejoindre ces pieds : les gens qui nous ont devancés sont déjà en train d’y prier. La vue d’en bas et tout simplement époustouflante : nous admirons le visage paisible du Bouddha, 71 mètres plus haut !!! On peut dire qu’il porte bien son nom ce Bouddha Géant, heureusement qu’il a été sculpté assis sinon on ne sait pas quelle taille il ferait.

            Le Bouddha a été taillé dans la falaise du mont Lingyun (la montagne qui monte dans les nuages). C’est un moine bouddhiste qui est à l’origine du projet en 713. Il espérait que la représentation de Maitreya (le Bouddha du futur), calmerait les eaux turbulentes que redoutaient les navires qui descendaient le cours du fleuve. Quand le financement du projet se trouva menacé, on rapporte qu'il se serait arraché les yeux pour prouver sa piété et sa sincérité. Il aurait alors cherché des dons pendant 20 ans pour financer sa construction et aurait ensuite passé le reste de sa vie dans une caverne, ancienne tombe abandonnée pour surveiller le site. C’est par dévotion à Bouddha qu’il a consacré toute sa vie à concrétiser ce projet, avant de s’éteindre bien avant que le Grand Bouddha soit terminé. De toute façon, il n’en aurait jamais vu la couleur…pas étonnant me direz-vous pour un double borgne. Cependant son vœu a été exaucé : la construction massive ainsi créée amena à extraire de la falaise une telle quantité de matériaux, déposés ensuite dans le lit du fleuve, que ces travaux réduisirent effectivement les remous du fleuve, rendant désormais les eaux propices à la navigation ! 90 ans après le début des travaux : Maitreya été né. Il n’existe que trois bouddhas géant au monde : celui de Leshan et deux autres en Afghanistan, cependant ces derniers ont été récemment détruis par les Talibans… Bref sur cet interlude culturel, nous remontons par un autre escalier creusé pour la suite de notre exploration… ça fait pas mal de marches à remonter tout ça !!!

Nous nous enfonçons un peu plus dans la végétation et village de pêcheurs qui semble aujourd’hui à l’abandon. Des tombeaux d’une civilisation antique sont également présents dans la roche. Nous tombons peu après sur le magnifique pont Haoshang qui relie la colline voisine dont le sommet abrite le monastère de Wuyou qui lui semble toujours en activité et abrite plusieurs centaines de statuts d’arhats (selon les bouddhistes se sont personnes ayant atteint le dernier stade de la sagesse grâce à l’enseignement alors que bouddha a atteint ce stade par lui-même). 

           De retour chez Grace nous comprenons que le lendemain c’est son anniversaire. Pour ses 24 ans (âge important pour elle car elle aura accompli deux cycles du calendrier chinois), nous décidons de lui faire découvrir la gastronomie française avec un poulet basquaise. Avant qu’elle ne rentre du travail, nous souhaitons faire quelques courses pour réaliser notre plat. Tous fiers de nous, nous utilisons un traducteur chinois pour avertir sa grand-mère que nous voulons faire de la cuisine française pour elles ce soir. Elle semble plutôt contente, et apprécie l’idée. Nous lui disons que nous sortons faire des courses, et là on ne sait pas pourquoi elle s’inquiète. Quand je prends mon sac pour les courses, elle me fait signe qu’il ne faut pas et appelle Grace au secours ! Elle nous accompagnera jusque dans la rue… Le soir nous testons le traducteur avec Grace pour voir s’il est fiable et nous trouvons l’explication à tant d’affolement… sa grand-mère avait compris qu’on partait en France pour faire de la cuisine !!!

Nous aurons aussi droit à un gâteau typiquement chinois : nous ne nous priverons donc d’en prendre une part et à voir le petit ventre de bouddhas, il ne devait pas trop se priver non plus