• Au bout du monde : Ushuaia

    Au bout du monde : Ushuaia

     

     

                   Toujours en quête d’aventures nouvelles, et après plusieurs jours de débat (on avait aussi envie de repartir au Chili vers le parc Torres del Paine et les fjords de Punta Arenas… mais le budget aura raison de nous…) nous décidons de partir pour « le bout du monde » : LA TERRE DE FEU. On s’est longtemps demandé si ce n’était pas un peu surfait tout ça… on s’en fiche… on pourra dire qu’on est allé au bout du monde ! En plus la plus grande partie de la terre de feu est quasi vierge et inexploitée par l’homme, pour apprécier de grands espaces et la nature sauvage, il n’y aura pas mieux.

     

     

     

     

    Au bout du monde : Ushuaia 

                    Ce morceau de terre en forme de dentelle est séparé du reste de l’Amérique du sud par le détroit de Magellan : un long trajet nous attend donc pour rejoindre Ushuaia, la ville la plus australe du monde… (enfin si on oublie Puerto Williams, LA ville la plus australe du monde, située dans la partie chilienne de la terre de feu, mais moins connue que son homologue argentine dont Nicolas Hulot avait emprunté le nom pour son émission télévisée). Après avoir fait nos adieux à Vincent resté éveillé spécialement pour l’occasion, nous rejoignons à pied la gare des bus d’El Calafate. Nous montons dans notre bus, il est 3h du matin … et oui, pas moyen de faire autrement, arrivons à Rio Gallegos, puis changeons de bus là-bas pour encore plusieurs heures de trajet. Lorsque nous atteignons le détroit de Magellan, le bus s’arrête et nous prenons un ferry pour la traversée. Le comité d’accueil était au rendez-vous : un petit groupe de dauphins jouant avec les remous provoqués par notre embarcation nous ont accompagnés. Arrivés de l’autre côté, nous reprenons le bus en direction d’Ushuaia. Il nous faudra ensuite quitter la route goudronnée en direction du Chili, réaliser les formalités administratives au poste d’immigration, reprendre la piste caillouteuse, ressortir du Chili, reprendre la route goudronnée Argentine… Après 2 frontières et pas loin de 12 heures de bus supplémentaires sur des plateaux de steppes arides, nous gagnons enfin de l’altitude et avons le plaisir d’observer le coucher de soleil derrière les pics enneigés de la baie d’Ushuaia. Belle récompense !

    coucher de soleil dans la baie d'Ushuaia

     

    Pour la suite, on vous laisse deviner : pour nous, le nom d’Ushuaia nous renvoyait ce genre d’image …

    Nous on pensait qu'Ushuaia c'était ça...

     

    Ben en fait Ushuaia au printemps c’est plutôt comme ça… de la pluie ou de la neige, du vent froid à décorner des bœufs, et parfois… des tempêtes de neige !

    Ben Ushuaia c'est plutôt ça ...

     

                    C’est donc équipés de nos bonnets, écharpes, et gros manteaux que nous sommes allés nous balader le long de la baie d’Ushuaia, mangeant des flocons de neiges à chaque tentative pour en placer une (ce n’est pas mon genre de me taire pour si peu !)… mais contents d’être arrivés là tous ensemble !

    La baie d'Ushuaia

     

     

    Nous découvrons ainsi le port d’Ushuaia, les yeux larmoyants d’émotions… à moins que ce ne soit les rafales de vent glacial qui ne cessent de fouetter nos visages ! Ce même port, porte d’entrée des eaux glaciales d’Antarctique, foulé par de vieux loups de mer venus pêcher la baleine ou chasser le phoque pour le commerce de leur peau au 19ème siècle.    

    La baie d'Ushuaia

     

                 Parmi nous, pas de jambe de bois. Nous explorons chaque recoin de la baie à la recherche de la faune locale. Nous serons récompensés par des mouettes grises, des blanches, un couple d’oies blanche et marron inséparables et un cormoran aux yeux bleu ! Malheureusement pas de phoques ni de baleines, il faut prendre un bateau qui coûte une fortune pour ça (et oui, bienvenus en Patagonie).

    Les drôles de sosios d'Ushuaia

     

    Le seul capitaine de bateau que nous croiserons restera de marbre face à notre envie de prendre la barre, quand à son équipage, il n’avait pas l’air très prêt… la sortie safari ne sera que de partie remise, le rendez-vous est noté pour la semaine suivante sur la Peninsula Valdez.

    hissez haut santiano

     

                    Le vent s’est calmé, après l’hiver, c’est l’automne. Le ciel est chargé de gros nuages gris, mais la météo reste stable. Nous continuons notre balade vers la baie « encerrada ». L’eau s’est transformée en miroir et reflète avec perfection le paysage environnant.

    la baya encerrada d'Ushuaia

     

    Même si on aurait tendance à  l’oublier en voyant la quiétude de cette ville, Ushuaia était une terre de bagne. La ville se bâtit en effet autours d’un bâtiment pénitencier créé en 1902 par l’argentine, qui s’inspirant du modèle anglo-saxon avec l’Australie, espérait peupler les zones les plus inhospitalières de son territoire. Bien que les familles de bagnards habitaient à côté (cas unique dans l’histoire des terres de bagnes!), pendant longtemps il y eu plus de prisonniers que d’habitants. Fermé une quarantaine d’année plus tard, ce bagne est ensuite devenu une base militaire pour assoir la présence argentine de la région, il servit de base avancée notamment pendant la guerre des malouines (très présente encore dans la tête des argentins). Les prisonniers furent très importants dans le développement de la région, ils réalisèrent de nombreuses expéditions d’exploration de la terre de feu, et réalisèrent de nombreux travaux d’aménagement du territoire (je ne sais pas si c’est en lien, mais merci pour la route goudronnée qui est absente au chili !).

    Ushuaia une ville contruite autour d'un bagne

     

    Au pays des castors : (le  Parc National de la tierra del fuego)

     

    C’est la visite du parc national de « la tierra del fuego » qui nous fera le plus remonter dans le temps, à l’époque des premiers habitants de l’île.

                   Non, on ne vous parle pas des castors qui, introduits en 1946 par le ministère de la marine du Canada pour développer le commerce de la fourrure, se sont reproduits à vitesse grand V jusqu’à envahir toute la terre de feu causant des dégâts considérables sur les forêts non seulement à cause des arbres qu’ils abattent pour construire des barrages mais aussi en raison des inondations qui découlent des détournements de rivières … mais plutôt des premiers indiens présents dans la région depuis 12 000 ans.

    au pays des castors

     

    Le nom de l’île remonterait à l’époque des exploits du navigateur portugais Magellan. En 1520, lorsque celui-ci arriva à l’extrême sud de l’Amérique, il vit des feux de camps indiens et nomma cette terre : « tierra del humo », soit terre de fumée. Le roi d’Espagne : Charles Quint à qui les exploits de Magellan avaient été contés, pensa en toute logique qu’il n’y avait pas de fumée sans feu, et rebaptisa l’île : Terre de Feu. Ces feux étés allumés par des Yamana qui vivaient nus, même en hiver. Pour lutter contre le froid, ils s’enduisaient le corps de graisse et se réchauffaient auprès du brasier… cette méthode leur permettait d’éviter de porter leur vêtements en peau de guanaco sans cesse mouillés par la pluie et la neige, pas bête la technique ! Les techniques modernes de lutte contre le froid sont toutes autres et aussi efficaces, la graisse n’est plus étalée sur le corps mais planquée à l’intérieur comme une couche isolante, nous les avons testées pour vous, les facturas et le dulce de leche ont eu raison de nous !

                  Une fois de plus, il ne reste plus beaucoup de traces de ces indiens à part quelques centaines de milliers de coquilles de moules laissées sur les plages de la baie pataya après leur festin.

    plus de moules que de cailloux


    Comme vous vous en doutez, une fois de plus, les autochtones ont été anéantis dès l’arrivée des premiers européens à cause des maladies que ces derniers leur retransmirent (tuberculose, typhoïde, rougeole). Les premiers missionnaires ne supportant pas de voir ces hommes et femmes nus, ils leur donnèrent des vêtements. Leur hygiène se dégrada alors, et participa à la transmission de maladies à l’origine de l’extinction de ce peuple. Puis les estancieros devenus propriétaires de grands domaines, défendirent leur terrains et leurs troupeaux, et achevèrent cette besogne déjà bien avancée. En 2003 la dernière représentante de ce groupe ethnique s’éteint à Puerto Williams.

    On a ensuite poursuivit notre découverte du parc national vers l’une des seules randonnées ouverte au public en ce moment, suivant un sentier qui conduit à la frontière entre le Chili et l’argentine. Le chemin s’enfonce dans une forêt, où les argentins se prennent en photo enlacés aux arbres. Si au premier coup d’œil ça nous parait bizarre, car les arbres et les forêts, ce n’est pas ce qui manque chez nous, pour eux c’est plutôt exceptionnel ! Alors que nous nous mettons en marche, comme bien souvent en Patagonie, le vent se lève. Puis petit à petit, le sentier disparait au profit d’immenses tourbiers. Il faut se frayer un passage en évitant les marres de boue, d’eau noirâtres et des arbres et autres végétaux en décomposition. En effet, les végétaux qui meurent dans ces forêts se décomposent très lentement à cause des températures basses, du manque d’oxygène et de l’acidité des eaux qui s’accumulent, l’ensemble ralentissant l’activité bactérienne. Ainsi la quantité de matière organique qui se dégrade est bien moindre que celle qui se forme. Notre guide du routard nous avait prévenu : attention aux herbes rouges qui se forment essentiellement dans les zones de marécages… si dans ces endroits de belles passerelles avait été construites, dans la forêt, ce sera des troncs d’arbres déracinés qu’il faudra utiliser, des tas de branchages mêlés à des feuilles ou parfois par chance de petits ponts de fortunes. Après une heure d’avancée, les arbres d’une hauteur quasi immesurables se mirent ensuite à danser avec le vent, se plièrent, grincèrent et craquèrent parfois… Quelques minutes plus tard, on passe de l’été à l’automne. Le ciel s’assombrit et il se met à pleuvoir, puis faire très froid. C’est la tempête. Au vue de la quantité d’arbres par terre, et d’énormes branches cassées, nous prenons la décision de rebrousser chemin avant qu’un de leurs amis ne se décide à nous tomber sur la tête, à moins que le ciel ne le fasse avant… Nous ne verrons finalement pas cette fameuse frontière, et quittons sans regret le parc national pour une pause-café. Faute d’aventure, on aura surtout gagné  le droit de laver nos pantalons et nos chaussures pleines de boue…

    rando dans les tourbières

     

    Au final, même si la ville d’Ushuaia et surtout sa baie et son port sont très jolis, il n’y a pas grand-chose à y faire en cette saison à moins d’être riche comme Crésus… les excursions bateaux dans le canal de Beagle à la découverte de la faune locale et du phare du bout du monde, ou encore les sorties traineaux tirés par des Huskys sont sans doutes géniales… mais coutent un bras. Et oui la terre de feu et Ushuaia sont de vrais labels touristiques, ici les prix s’envolent aussi haut que les mouettes. Réatterrissons un peu, cet endroit n’est pas fait pour nous trop longtemps : direction cette fois ci la côte Est Argentine à Puerto Madryn où nous avons rendez-vous avec Moby Dick.

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