Du 24 au 30 janvier :

Nous voilà maintenant à Chiang Mai, accueillis par Peter, un couchsurfeur de 68 ans, originaire d’Indonésie. C’est un grand voyageur : à l’âge de 10 ans, il faisait son premier voyage seul vers la Hollande. Les kidnappings étant trop fréquents en Indonésie, il avait été envoyé en Europe par ses parents pour y grandir loin des siens, en toute sécurité. Il a ensuite travaillé pour les nations unies, ce qui l’a emmené à traverser plus de 60 pays dans sa vie! C’est aussi un passionné de religion et d’histoire, on pourrait l’écouter nous raconter des récits et légendes sur la Thaïlande pendant des heures sans jamais se lasser.

         D’ailleurs, quelques minutes à peine après être arrivés chez lui, nous partons en visite guidée dans son quartier résidentiel, à la découverte des  croyances animistes du coin. Nous arrivons ainsi devant les maisons aux esprits : des petites pagodes miniatures versions maisons de poupées perchées sur un poteau et déposés par les habitants pour demander la protection de leurs ancêtres. A chaque fois qu’un bâtiment est construit en Thaïlande, la première chose à faire est de trouver dans le jardin, une place favorable à l’édification de ce refuge pour les esprits délogés par les travaux. Lorsqu’un étranger est invité, il doit demander la permission d’entrer. S’il ne respecte pas la coutume, les esprits viendront au cours de la nuit lui rendre visite, et hanter son sommeil ! Cette formalité étant accomplie, nous pouvons partir l’esprit léger !

         Nous passerons ensuite le reste de la soirée à écouter Peter nous raconter l’histoire de Chiang Mai : cette ville bâtie en 1296 par le roi Mengrai et ses deux amis. Pour l’anecdote, le roi craignant une invasion de la Birmanie, décida de s’allier à ces deux amis rois de Sukhothai et de Phayao. Cependant, l’un deux avait volé la femme de l’autre, il a donc fallu les réconcilier avant de créer cette coalition, et pour ça rien de mieux que … l’argent ! Une guerre fut ainsi évitée, le peuple épargné, et une fois l’ami dédommagé, tout entra dans l’ordre comme le montre la statue des trois rois au cœur de la vieille ville de Chiang Mai. La citadelle fut ensuite bâtie : des douves creusées pour repousser l’ennemi, et avec la terre enlevée, des remparts furent élevés tout autour de la ville, seules quelques portes en permettaient l’accès (c’est tout ce qui reste de ces fortifications d’ailleurs !). Chang Mai devint ainsi la capitale du royaume Lan Na, un royaume fréquemment attaqué par le royaume d’Ayutthaya au Sud et les Birmans au nord ! Coupé du reste du pays jusqu’au 19^ème siècle, puisqu’aucune route ne desservait le royaume, un courant artistique particulier Lan Na se développa à la croisée des chemins de l’art Birman et Lao.

Dans cette partie du Nord-Ouest de la Thaïlande vivent des ethnies minoritaires. Ces peuples nomades n’ont ni terres, ni patries. Comme leur langue est différente du thaï, ils n’ont pas le droit d’avoir la nationalité thaïlandaise. Bref, un peuple délaissé, qui vit dans des ghettos maintenant visités par les touristes, et qui survivent tant bien que mal en faisant commerce de leur artisanat. Parmis ces peuples, une ethnie de réfugiés Birman imposant encore aux femmes de porter ces fameux colliers leur donnant des cous de girafe. On avait bien envie de leur rendre une petite visite, mais se retrouver dans un zoo humain, très peu pour nous…

A l’origine, le pays était appelé Empire de Siam. Cependant, devant l’affluence de Chinois sur le territoire (un peuple n’ayant pas peur de travailler et occupant ainsi la plupart des postes clefs du pays), la Thaïlande décida de leur rendre la vie difficile. L’Empire choisi ainsi de créer une liste de métiers que peuvent occuper les étrangers, et changea de nom pour la Thaï land = le pays des THAï ! Même si on est loin des conditions d’immigration imposées en Chine, en dehors du tourisme, on comprend vite que le gouvernement n’accueille pas à bras ouverts les étrangers voulant rester définitivement dans le pays.

Nous suivrons aussi Peter le lendemain pour une visite guidée de la ville : cet homme est incroyable, il nous a réconciliés avec la visite des wats. En effet, en passant devant les temples tout semble similaire : une entrée avec le nom du wat, donnant l’accès direct au temple principal. Le bâtiment est protégé par des géants ou des nagas. Derrière celui-ci se trouve un chédi abritant des reliques. Sur la gauche du bâtiment se trouve un petit édifice sur pilotis dont la porte est cadenassée par 3 gros verrous, il est entouré d’eau pour en empêcher l’accès… aux termites ! Il s’agit en fait de la bibliothèque du temple, aménagée de la sorte afin de protéger les précieux rouleaux de bambous contenant des écrits sacrés. De l’autre côté du temple se trouve souvent une université tenue par les moines bouddhistes. Bref au premier coup d’œil tout est semblable, mais quand on vous raconte l’histoire plus en détail de chaque temple, ça devient de suite bien différent !

                          Dans un des temples, Peter nous raconte de façon succincte l’Histoire de Bouddha à partir des fresques murales. Siddhàrta Gautama de son petit nom, est né de famille royale en Inde au VI° siècle avant JC. Sa mère aurait été fécondée par un éléphant blanc lui ayant planté une de ses défenses dans les côtes. La légende veut qu’à sa naissance il pouvait déjà marcher,  et ces 7 premiers pas furent accueillis par des lotus. Il passa toute son enfance protégé de la misère du monde par les imposantes portes du palais qui abritait sa famille. Mais épris de curiosité, il voulut aller voir ce qu’il y avait dehors. C’est alors qu’il se rendit compte de la souffrance des hommes. Assis sous un arbre, pendant des jours entiers sans manger, il commença donc à méditer afin de trouver une solution pour vaincre le mal. Les intempéries ne le détournèrent pas de son objectif : un nâga décida de lui venir en aide en lui servant de rehausseur (le protégeant ainsi de la montée des eaux) et de parapluie (en se dressant au-dessus de sa tête, le cobra le protégea des gouttelettes). Malgré les multiples tentatives de Mâra (démon de la mort, et grand dieu des désirs), pour le distraire de cette voie, il continua à méditer impassiblement. Cette détermination est symbolisée par sa position en lotus avec la main droite qui touche le sol faisant ainsi appel à la nature pour montrer toute sa résolution. Puis au bout de 4 jours il atteignit l’éveil et se libéra ainsi de toute souffrance. Devenu alors Buddha, il parcourut toute l’Asie dans le but de diffuser son message et le moyen de se libérer des souffrances. Il s’éteint à l’âge de 80 ans empoisonné par un bout de porc avarié.

              Un peu plus loin, il nous explique comment fonctionne le système de donation. Dans chaque temple, une multitude de statues de Bouddha dans des positions différentes, et devant une urne avec le jour de la semaine, ou un signe astrologique chinois. Ainsi, chaque personne nait tel jour de la semaine, ou sous tel animal du zodiaque doit mettre de l’argent (toujours un nombre impair) dans l’urne...

                A propos d’argent, Chiang Mai contient un temple original puisque le bâtiment principal est construit uniquement en argent :

On aura ainsi traversé la ville de long en large, accompagnés de notre guide, commentant et rendant intéressant chaque détail que l’on n’aurait peut-être même pas vu si l’on avait été seuls.

Il est 18h, et l’hymne national retentit dans la rue. Soudain, tout le monde s’arrête, plus un bruit, plus un mouvement, chacun mettant en suspend ce qu’il était en train de faire. Heu Peter, on peut respirer quand même ?!? La musique s’arrête, et la vie reprend son cours. Cette petite souris a dû trouver la minute longue…

Le soir nous retournons chez Peter en utilisant un songthaew, sorte de taxi local dans lequel on peut facilement rentrer à 15… surtout quand on voyage sur le marchepied à l’extérieur du véhicule !