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Mythes, légendes et monstres Guarani
Père Nelson, raconte nous une histoire:
Nelson parle 5 langues couramment comme l’anglais (il a vécu aux Etats-Unis et à Londres), le castillan (et on s’est bien amélioré avec lui) ou encore le Guaraní, toutes deux langues officielles du pays et enseignées dès la petite école. Il nous initiera ainsi à sa langue et ses sons nasaux et gutturaux… franchement imprononçable pour nous européens ! "Aguyje che anguiru" (merci mon ami !). Nous découvrons ainsi au travers des quelques histoires qu’il nous contera une partie de la culture Guaraní : leurs légendes, leurs mythes et leurs monstres !
Les Guaranís :
Le nom Guaraní fut donné au peuple indigène du Paraguay par les premiers envahisseurs espagnols, qui avaient entendu des cris de guerre « guará-ny » en guise de bienvenu… traduction « combattez-les ». Une autre version affirme que le mot provient de la déformation d’un mot Guaraní signifiant guerre ou combat. En se présentant devant les espagnols, ces mêmes indigènes se dénommèrent ainsi comme pour indiquer qu’ils se considéraient en guerriers.
A l’origine, ce sont les descendants des groupes ethniques qui habitaient les forêts tropicales de l’alto Paraná, de l’alto Uruguay et la partie méridionale de l’altiplano brésilien au Ve siècle. Ils vivaient de la chasse, de la pêche et de l’agriculture. Grand connaisseurs de la faune et de la flore de leur habitat, c’est au Guaraní que l’on doit une grande partie de la classification des plantes et des animaux. Après le latin, le guaraní est la deuxième langue qui a donné le plus de noms dans les sciences naturelles. Ces populations furent les protagonistes d’intenses migrations qui les amenèrent à occuper les territoires où on retrouve de nos jours leurs descendants. Les Guaranís s’établirent notamment dans le territoire qui aujourd’hui appartient au Paraguay, le mot paraguá –y signifiant dans la langue natale « l’eau qui forme un océan ».
La mythologie Guaraní :
Les Guaraní ont beaucoup de dieu des bons et des mauvais, ils en ont même un pour le maté ! Nelson nous raconte que depuis tout petit, il entend des histoires sur des monstres Guaraní, des genres de démons qui enlèvent les femmes ou les enfants, violent les demoiselles, volent… Croyance populaire ou excuse pour expliquer les problèmes sociaux, nul ne saura jamais… Il n'existe aucune trace écrite de ces anciens mythes et des légendes associés au peuple Guaraní, mais la tradition orale a permis de les conserver et de retransmettre ces croyances religieuses. Plusieurs de leurs croyances profondes sont toujours en vigueur dans les zones rurales de la région Guaraní.
Au cours de leur histoire, les peuples d’origine Guaraní se sont intégrés à la société moderne et leurs croyances ont été altérées ou remplacées par le christianisme. En effet, l’arrivée des missionnaires jésuites au XVIe siècle a permis au travers de l’évangélisation de transposer sous forme écrite la langue Guaraní et ainsi de mieux diffuser les modes de pensée tolérés par l’Eglise. Les missionnaires jésuites tireront avantage de la place centrale de Tupá (« une des divinités suprême pour les Guarani à l’origine de la création de la terre sans mal ») en l'identifiant au dieu chrétien pour détourner le sens initial du grand mythe fondateur.
Le mythe de la création chez les Guaraní :
Les guaranís croyaient qu'à l'origine des temps était le chaos, formé de la nébuleuse primitive et des vents originels. Ñamandú, "notre grand-père" se créa lui-même à partir du chaos.
Le processus d'autocréation de Ñamandú se divise en étapes, à la manière d'une plante : il se basa sur ses racines (les divines plantes des pieds), étendit ses branches (des bras avec des mains bourgeonnantes de doigts et d'ongles), construisit sa cime (un diadème de fleurs et de plumes Yeguaka) et se dressa comme un arbre. Une fois sa création achevée, le cœur de Ñamandú commença à rayonner, ce qui élimina les ténèbres primitives. Il décida ensuite de créer la Parole Créative (Ayvú) qui sera par la suite confiées aux humains pour permettre le développement du langage.
Il termina la création de son corps en générant les autres dieux principaux qui l'aideront à accomplir sa lourde tache : Ñanderu py'a guasu (le père des mots, littéralement "Notre père au grand cœur"), Karaí (le maître des flammes et du feu solaire), Yakairá (le maître de la brume, du brouillard et de la fumée de pipe que respire les chamans) et Tupã (le maître des eaux, des pluies et du tonnerre). Il leur fut accordé la conscience de leur propre divinité et l'essence sacrée de l'Ayvú.
Les quatre compagnons procédèrent alors à la création de la première Terre. Ñamandú croisa deux bâtons indestructibles et posa la Terre dessus. Afin de s'assurer que les vents originels ne l'emporteraient pas, il l'attacha à l'aide de cinq palmes sacrées : une au centre et les quatre autres à chaque extrémité. Une en direction de la demeure de Karaí (vers l'ouest), la seconde en direction de l'origine des vents nouveaux (au nord), la troisième vers la demeure de Tupã (à l'est) et la quatrième en direction de l'origine de l'espace-temps primitif (au sud). Le firmament repose sur ces colonnes.
À côté de cette terre, nommée Yvy Tenonde (la Terre Originelle), il créa la mer, puis le jour et la nuit. Dans la plupart des légendes Guaraní "Tupã" apparait comme le dieu à l’origine de la création du monde. Il descendit sur Terre sur une colline de la région d'Aregúa, au Paraguay, d'où il créa tout ce que l'on peut trouver à la surface de la Terre : océans, forêts, animaux... Tupã donna ensuite naissance à l'humanité dans une cérémonie élaborée, où à partir de plusieurs éléments de la Nature il façonna deux statues d'un homme et d'une femme (Rupave et Sypave, dont les noms signifient Père et Mère du peuple). Après avoir insufflé la vie dans ces formes humaines, il les laissa en compagnie des esprits du Bien et du Mal. De leur descendance apparurent les 7 monstres de la mythologie Guaraní dont la mémoire reste encore vivace chez les paraguayens. Selon la plupart des mythes Guaraní, le peuple Guaraní était le premier peuple à prendre vie, dont descendent ensuite toutes les autres civilisations.
La création de l'homme n'apparaît sous cette forme qu'à partir de l'évangélisation des jésuites qui « fusionnèrent » les diverses histoires et légendes de héros mythiques guaraní pour mieux coïncider avec la Genèse.
Les trois terres :
Sur Yvy Tenonde, la première Terre, les hommes vivaient aux côtés des dieux. Ils ne manquaient de rien et ils ne tombaient jamais malades. Cependant, l'un d'eux, nommé Jeupié, transgressa le plus grand des tabous : l'inceste, en couchant avec la sœur de son père. Les dieux punirent cet acte par un déluge qui détruisit la première Terre et ils partirent vivre dans les cieux.
Ñamandú décida alors de créer une deuxième Terre, Yvy Pyahu, et sollicita l'aide de Jakairá qui y répandit la brume vivifiante. Les survivants du déluge s'installèrent alors sur cette nouvelle Terre imparfaite où régnaient la maladie, les douleurs et les souffrances. Les hommes de cette nouvelle Terre cherchèrent dès lors à retourner vers la première Terre, la "Terre sans Mal".
Les mythes guaraní transmis par la tradition orale parlent d'une troisième reconstruction qui donnerait jour à une Terre sans imperfection. Malgré tout, bien qu'ils attendent l'arrivée de cette nouvelle Terre, les hommes peuvent avoir accès à une Terre Mythique dès lors qu'ils observent un comportement irréprochable vis-à-vis de la communauté. Ni les punitions, ni la malchance ou les épreuves n’existeront sur cette Terre mythique.
Les 7 monstres de la mythologie Guaraní :
- Moñái : le dieu des champs. C’est un serpent avec de grandes dents et deux cornes. Grand seigneur des champs, il vivrait également dans les profondes rivières des régions inaccessibles. Il grimpe aux arbres attrapant les oiseaux et les hypnotisant avec ses antennes pour son repas. C’est le dieu des champs, des airs et des oiseaux. Il avait cependant un sacré défaut, celui de dérober les biens des villageois et de les cacher dans des grottes. Ces disparitions de biens inexpliquées entrainèrent de nombreux conflits, mais lorsque les habitants du village se rendirent compte qu’il était à l’origine de ces larcins il fut sévèrement punit. Porâsý lui tendit un piège en lui faisant croire qu’elle voulait l’épouser, lors de la fête elle en profita pour se débarrasser de son futur époux. Le serpent se rendant compte de la supercherie piégea la belle Porâsý et les deux moururent. Pour la récompenser de son sacrifice permettant de débarrasser la terre d’un des démons, les dieux firent de Porâsý une étoile dans le ciel.
- Jasy Jaterei : son nom signifie morceau de lune, enfant blond aux yeux bleus c’est le seul à ne pas avoir l’apparence d’un monstre. Il est le dieu de la sieste et enlève les enfants désobéissants qui ne veulent pas faire la sieste après manger. Une version raconte qu’il les hypnotise avec son sceptre, les enlève, joue avec eux puis les restitueraient à leur famille. L’autre version est bien plus effrayante (c’est un monstre ne l’oublions pas !) : il enlève les enfants et les torture jusqu’à la mort ou pire, il les apporte en cadeau à son frère mangeur d’homme Ao-Ao. Une histoire utilisée par les parents pour faire obéir leurs enfants… C’est aussi le protecteur de la yerba mate (la plante servant à faire la boisson la plus populaire du paraguay).
- Kurupi : Il se cache dans les forêts dont il est le roi et est connu comme dieu de la sexualité et de la fertilité. Il est facile de le reconnaitre, son appendice sexuel est tellement long qu’il est obligé de se l’enrouler autour de la taille comme une ceinture (pour ne pas trébucher sans doute !). Selon la tradition orale, cet organe serait extensible et pourrait passer les portes, les fenêtres des maisons et engendrer des grossesses inexpliquées sans que la femme ne s’en rende compte. Beaucoup de grossesses inexpliquées hors mariage ou de femmes célibataires seraient donc de sa faute… bien sûr, les couples coupables d’adultères dans le pays s’en serviraient régulièrement d’excuse. Certaines disparitions de jeunes femmes seraient de sa faute, le kurupi éloignant ses proies de leur foyer pour assouvir dans les bois ses fantasmes liés à sa libido exacerbée. Les enfants nés du Kurupi ressembleraient ainsi à leur père et seraient des êtres vilains, petits et poilus. Certains disent que ce monstre sert à effrayer les jeunes femmes afin qu’elles restent chaste jusqu’au mariage.
- Aho Aho : est peut-être le plus dangereux de tous les descendants de Kerana. C’est un énorme monstre féroce à l’apparence entre le mouton et le sanglier aux longs crocs et grandes griffes. C’est un prédateur vorace et il est dit qu’il ne mangerait que les humains. Il ne reculerait devant rien pour capturer sa victime. Si vous sortez la nuit et êtes pourchassé par Aho Aho, la seule issue est d’escalader un palmier sacré. L'arbre contiendrait une puissance inconnue contre le Aho Aho, qui abandonnerait alors là sa victime. La créature hurlerait de défaite (ce qui lui a valu son nom "Aho-aho-aho") et partirait à la recherche d'un autre repas. Si vous montez sur un autre type d’arbre Aho Aho fera le tour de l'arbre, creusant autour de ses racines pour le faire tomber. Il est seigneur des collines et des montagnes. La légende populaire raconte qu’il s’attaquerait essentiellement aux personnes rentrant saoules chez elles la nuit (message de prévention contre l’alcoolisme?).
- Luison : dieu de la mort pour les Guaraní, est semblable à la faucheuse des européens. Il serait d'apparence vaguement humaine, mais en plus laid, même horrible à regarder. Luison aurait la peau pâle l’air maladif, et serait constamment accompagné par une odeur fétide de mort et de la décomposition. Si effrayant et repoussant était son apparence que sa seule présence instiller la terreur. Luison est pour les Guaranís le seigneur de la nuit, il est associé à la mort. Mi chien, mi humain, il ne sort qu’à la pleine lune. Son habitat a été limité exclusivement aux cimetières, lieux de sépulture ou d'autres endroits liés à la mort. Il y rôde la nuit et se nourrit de la chair en décomposition des morts. Si Luison passe entre les jambes d'une personne, il est dit, la personne se transforme en Luison. Il a été dit que le contact de sa main froide et moite était un signe certain que ses jours sur la terre étaient comptés.
- Teju Jagua : c’est le dieu des cavernes et des fruits, en forme de lézard géant avec une tête de chien et des yeux qui crachent du feu. Son aspect était le plus horrible de tous les sept frères. Cependant, sa férocité a été tempérée par choix de Tupã. Même s’il était à craindre pour son regard de feu, son tempérament calme et inoffensif en faisait un animal peu redoutable. Son apparence imposante l’empêcherait de bien se déplacer, et il ne se nourrirait que de fruit... il y a pire comme monstre !
- Mbói Tu'i: un serpent à la tête de perroquet au large bec. Il a une langue fourchue sang-rouge et un regard vicieux qui effraie ceux qui regardent dans les yeux. Alors que son corps est recouvert d'écailles, sa tête est recouverte de plumes. Son cri strident terrifie les gens et serait entendu à mille lieues. D’après la culture orale Guaraní son rôle principal est de protéger la terre. Il est un fervent défenseur de l'environnement, et effraye quiconque empiète sur les marais d'Amérique du Sud. C’est le dieu des cours d'eau, des créatures aquatiques et des marécages.
Le 20 Août, nous quittons Nelson au petit matin et prenons un bus direction Encarnacion. Au passage, nous souhaitons un très joyeux anniversaire à 2 grands amis qui se reconnaitrons ;)
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